VILLE ET OCCUPATION. Je suis souvent questionné par mes amis à propos de la sécurité. Suis-je en sécurité ? Suis-je en sécurité ? C’est difficile de dire à quel point je suis en sécurité dans la ville occupée de Mélitopol. Je veux vous raconter comment notre ville vit et survit.
L’ÉCOLE. Les écoles ne sont pas ouvertes. Personne ne peut garantir la sécurité des enfants. L’enseignement à distance n’est pas non plus judicieux, en raison d’une connexion partielle, voir d’une absence de connexion au réseau.Les occupants nous obligent à reprendre les cours en avril. Les écoles se voient proposer un programme russe. Mais les enfants ne peuvent pas étudier sous les bombardements, dans une ville occupée.
LE TRAVAIL. Évidemment je ne travaille pas. Nous sommes juste de permanence à l’école pour que tout reste en place et que les enfants aient un endroit où se rendre. Les occupants s’entretiennent avec les directeurs à propos de la réouverture des écoles à partir du 1er avril. Ils parlent de leur importante mission – nous libérer, pour des jours meilleurs. J’aime vraiment mon école, c’est un lieu de joie, de force et de connaissance. Et maintenant nous sommes forcés de choisir : coopération avec l’occupant et violation de la loi ou bien chômage et départ.
La plupart des gens ont perdu leur travail, leur entreprise.
MÉDIAS. Il n’y a plus de chaînes ukrainiennes à Melitopol depuis un bon moment. Seulement des chaînes russes. Ma langue materelle me manque déjà, ma chaîne favorite aussi. Je ne regarde les nouvelles que sur les réseaux sociaux. Mais tous les habitants n’y ont pas accès. Du coup nous avons soif d’informations ! Imaginez ce que nous entendons à la télévision russe... que les occupants ont déjà battu tout le monde.
Et depuis deux jours, il n’y a plus du tout de connexion dans la ville.
DÉMOCRATIE. Les rassemblements sont interdits. Des gens, des personnalités publiques, des fonctionnaires et des journalistes disparaissent de la ville. Certains ont été libérés, mais ils ne reviennent pas ici. Ils seraient en trop grand danger.
Les russes arrêtent des gens et montent des charges contre eux. La directrice du département de l’éducation, Irina Shcherbak, a par exemple été inculpée et arrêtée pour avoir refusé de coopérer et de rouvrir les écoles.
POUVOIR. Notre maire légitime Ivan Fedorov a été capturé par les occupants et détenu pendant 6 jours. Pendant ce temps, le drapeau de l’Ukraine a été retiré de la ville et un nouveau maire a été proclamé, qui a ouvertement coopéré avec les occupants.
ARGENT. Les gens ont de sérieux problèmes avec le cash. Il y a des queues immenses dans les banques. Ils inscrivent tout le monde, comme ça la file est déjà organisée par numéro. L‘argent liquide peut être échangé avec des intérêts,à partir de 10% et plus.
Les envahisseurs ont promis de lancer le rouble à partir du 1 avril.
PROVISIONS. La plupart des magasins sont fermés. Les supermarchés ATB ont fermé partout. Il y a plein de petits bazars. Mais tout est à payer en cash et les prix sont très élevés. Heureusement qu‘il y a les producteurs locaux de pain et de lait.
Notre maire Ivan Fedorov a accepté l’aide humanitaire, mais les occupants ont tout encadré et interdit les distributions aux gens. Ordre personnel de Gauleiter.
Les envahisseurs aussi distribuent l’aide humanitaire. Ils traversent la ville dans leurs voitures et annoncent dans les haut-parleurs les endroits précis pour la distribution. Comme dans les films de guerre.
VILLE. Notre superbe ville est maintenant sale, les routes sont abîmées par les équipements militaire de l’ennemi qui la parcoure chaque jour. Il y a beaucoup de militaires. Ils ont saisi tous les lieux stratégiques. Ils ont saisi notre Maison de la Culture. Il y a maintenant un nouveau gouvernement. Tu te promènes dans la ville et tu vois des envahisseurs partout. Il n’y a plus que des chansons russes dans les parcs de loisirs. On entend constamment des explosions. Il y a des maisons endommagées, des gens laissés sans domicile. Beaucoup sont partis, beaucoup sont restés ici. C’est très difficile de quitter maison, famille et amis, chiens et chats.
L’occupation te met sous pression, te détruit en tant que personne, te prive de ton droit de vote. C’est une absence de droits et de libertés. Mais dans le dictionnaire russe, ces mots n’existent pas. C’est pour cela qu’ils existent dans notre Ukraine.